Le chômage partiel, quelles incidences sur la retraite ?

Depuis le 18 mars à midi, la France est placée en confinement. Cet état de fait imposé par le gouvernement dans la lutte face au COVID-19, entraîne pour beaucoup d’entreprises l’arrêt total ou partiel de leurs activités. Cette situation historique oblige les entreprises à s’adapter, et au 26 mars 2020, quelque 100 000 sociétés avaient déjà demandé à bénéficier de mesures d’activité partielle pour environ 1,2 million de salarié(e)s.

En temps normal, ce dispositif d’aide aux entreprises permet à ces dernières, d’indemniser à hauteur de 70 % ses salarié(e)s (ou à minima au SMIC), avant d’être remboursées par l’Etat, toujours à hauteur du SMIC.

Cependant, rien n’empêche un employeur d’indemniser ses salarié(e)s au-delà s’il le souhaite ou si une convention collective ou un accord d’entreprise le prévoit.

Face à la crise du coronavirus, le Ministre de l’Economie, Bruno LEMAIRE, a annoncé que l’Etat allait prendre en charge 100 % de cette indemnisation, et ce jusqu’à 4,5 SMIC.

« L’Etat prendra en charge 100 % du chômage partiel »

Il faut bien noter la nuance ici : ce ne seront pas 100 % des rémunérations des salarié(e)s, que l’Etat va prendre à sa charge, mais bien uniquement, 100 % des 70 % versés par les entreprises aux salarié(e)s en état d’activité partielle, dans la limite de 4,5 SMIC.

Par conséquent, les salarié(e)s en situation d’activité partielle totale, ne toucheront donc pas 100%, mais 70 % de leurs salaires bruts habituels, ou pour être plus factuel, environ 84 % de leur salaire net, sans préjudice toutefois des mesures d’indemnisation plus favorables prévues par les conventions collectives et du reste à charge.

Conséquences sur les cotisations retraite

Au-delà de la question indemnitaire proprement dite, il existe aussi une conséquence plus lointaine mais toute aussi réelle : la retraite. En temps normal, les cotisations retraite sont assises sur le salaire brut de chaque salarié(e).

Or, dans le cadre de la mise en place d’une activité partielle, l’entreprise verse à ses salarié(e)s non pas un salaire, mais une indemnité d’activité partielle, non soumise aux cotisations salariales et patronales, et notamment aux cotisations retraite.

En revanche, cette indemnité d’activité partielle est, en l’état de législation actuelle, assujetties à la CSG au taux 6,20 % et à la CRDS au taux de 0,50 %. Ces deux contributions sont calculées sur la base de 98,25 % de l’indemnité versée (application d’un abattement de 1,75 % pour frais professionnels).

Un impact potentiellement plus important sur la retraite de base

Le calcul de la pension de la retraite de base du régime général, repose sur 3 facteurs : le taux de liquidation, le salaire annuel moyen, et le nombre de trimestres acquis. La mise en place d’une activité partielle, peut influer sur ces facteurs.

En terme de nombre de trimestres, pour l’année 2020, il est nécessaire pour valider 1 trimestre, de cotiser 1 522,50 € ou encore de valider des trimestres dits assimilés en raison de certains aléas de carrière (chômage, maladie …). L’activité partielle n’est hélas pas énumérée par l’article R 351-12 du code de la Sécurité sociale.

On peut penser qu’un(e) salarié(e) qui travaille à temps complet, pourra raisonnablement valider ses 4 trimestres sur l’ensemble de l’année dans le cas où la situation sanitaire évoluerait rapidement dans le bon sens.

L’impact pourrait toutefois être plus important pour des salarié(e)s travaillant à temps partiel, ou en contrats courts, et qui pourraient ne pas valider les 4 trimestres annuels.

Il existe une seconde conséquence pour la retraite de base, puisque cette dernière est calculée en fonction des revenus des 25 meilleurs années. Ces derniers ne sont que la stricte addition des revenus bruts perçus tout au long de l’année et limités au plafond de la Sécurité Sociale (41 136 € pour 2020).

Vous l’aurez compris, en fonction de votre salaire sur le reste de l’année, le revenu pris en compte pour l’année 2020 pourra être moins important que celui initialement prévu, et pourrait donc faire baisser (légèrement) cette moyenne.

Cette baisse aura donc une conséquence que très modérée sur la future pension.

Enfin, cette situation, aura un impact sur la retraite complémentaire. Bien que l’indemnité d’activité partielle ne vous permette pas de cotiser à la retraite complémentaire, les salarié(e)s bénéficient actuellement de points de retraite AGIRC-ARRCO gratuits à partir de la 61ème heure.

Seules les 60 premières heures d’activité partielle, vont causer un impact sur votre future pension de retraite complémentaire (voir exemples ci-dessous).

Ex : voici les différences de points AGIRC-ARRCO dans le cas d’une activité partielle de 2 mois en 2020.

 

Salaire brut

Activité normale 35 heures

Activité partielle indemnisée à 70 %
Points Agirc-Arrco Pension nette annuelle Points Agirc-Arrco

Pension nette annuelle

2 000 €

14,25 points 16,29 € 13,72 points 15,68 €

4 000 €

35,61 points 40,70 € 32,69 points

37,36 €

6 000 € 74,69 points 85,38 € 70,31 points

80,37 €

8 000 €

113.78 points 130,05 € 107,94 points

123,37 €

Le cumul : activité partielle – allocations chômage

Il est précieux de noter que le cumul entre l’indemnité d’activité partielle et l’allocation chômage est possible sous certaines conditions. Ainsi, les salarié(e)s qui cumulaient déjà intégralement leur rémunération salariée avec l’allocation chômage, pourront toujours en profiter.

De plus, les salarié(e)s qui ont eu précédemment des droits ouverts auprès de Pôle Emploi non totalement consommés, pourront bénéficier d’une reprise du versement de cette allocation chômage et la cumuler, partiellement ou intégralement, avec leur indemnité d’activité partielle.

Le versement d’allocations chômage étant générateur de droits à la retraite , de base et complémentaire, les effets sur la retraite devraient dans le cas du cumul activité partielle / allocation de chômage, être quasi-nuls.

Les impacts sur la pension de retraite restent finalement plutôt minimes à l’échelle annuelle (en fonction du salaire de base). Néanmoins, il ne faudra pas que la situation perdure et que la sortie de crise sanitaire, ne laisse pas la place à une récession économique qui obligerait les entreprises à prolonger le dispositif d’activité partielle avant d’en arriver à des mesures de suppression de postes et d’emplois …